vendredi 19 octobre 2007

Saint Buk : « C'était elle… C'était E..V.E.»



«Lʼimportance que lʼon accorde aux gens nʼest quʼun leurre. Avant, moi, jʼétais rien. Mais rien du tout. Enfin... je veux dire pour les autres, tous qui maintenant me demandent de raconter le truc, tu vois ? Le truc… cʼest pour ça quʼils viennent me voir.
Je ne suis pas dupe de tout ça. De toute façon, je ne croyais pas en lʼhomme avant. Les brimades, les insultes, le mépris et les raclées, je connais ça. Pas eux.
Ce qui fait déjà de moi un homme blessé, donc moins quʼun homme. Pas un homme prêt à mourir ; un homme déjà mort.

Lʼhomme est un con, et il crévera comme un con. Moi, je ne créverai plus comme un con, mais comme un apôtre. Ouais mec ! Cʼest ce que je suis depuis ce soir là ! Je suis devenu un putain dʼapôtre au service dʼun Dieu qui va te faire fermer ta putain de gueule dʼhomme qui croit qui sait tout !
Jʼaimerai pas être à ta place le jour où tu vas crever. Le jour où tu vas devoir rendre des comptes, le jour où tu vas comprendre que ta fin, et bien, nʼest quʼun début.Ce jour-là, tu vas dérouiller mec, toi et les millions d'autres qui n'avaient rien compris dʼautre que ce quʼil fallait pas comprendre.

Tiens, sers toit un verre. À ta mort ! Je plaisante hein, mais là je peux. Et ouais mec, moi je mʼen fous, je suis sauvé maintenant. Cʼest le Père Kovacs qui me lʼa dit. Bon, tu te le sers ce verre ?
On a le temps, on a du vin, alors finis ton verre, sers-en deux autres, et prépare tes putains de mirettes à se remplir dʼautre chose que de la merde, ça te changera.

C'étais un soir, dans le quartier de lʼAuberge Rouge. Jʼavais mon appareil photo, un peu dʼargent et la soirée devant moi. Au début, je voulais photographier des putes, jʼavais un contact dans un journal un peu… un peu radin sur les prix mais bon. Donc, j'allais faire des clichés de putes et de stripteaseuses.
Puis jʼai eu une envie de pisser. Je suis sorti dans lʼarrière cours du Pub et commencé à me vider contre une voiture, comme les chiens. Quʼest ce que tu veux, il y a des soirs, je me sens plus animal quʼun homme. Alors je me comporte comme tel, je fais honneur à ma condition passagère. Bien mʼen a pris.
Ma pisse a été révélatrice. Ma pisse a été un salut.
Sur ma droite, lʼavenue était déserte, et sur ma gauche, lʼobscurité avait emprise sur lʼ impasse.
Je pisse donc, sur une voiture, puis jʼentends des miaulements enragés. Jʼen entends un, puis un autre, un troisième, et ainsi de suite… Des chats ! Des putains de chats !
Quʼest-ce quʼils foutaient là ? Pourquoi ils gueulaient comme ça ces cons de chats ?
Je me rembraille, me dirige vers eux, m'engouffre dans la ruelle, face à lʼimpasse, entre les poubelles et les murs qui suintent
Ils partent dans tous les sens, paniqués.
Et là, jʼai compris pourquoi ils gueulaient tant. Cʼétait parce quʼils ne pouvaient pas gueuler plus fort.
Lʼobscurité mʼa pris sous son aile, puis à lʼoreille mʼa demandé dʼapprocher. Jʼy ai distingué une forme. Jʼimaginais un clochard, une bestiole quelconque… cʼétait pas un clochard, cʼétait pas quelconque.

Cʼétait elle, cʼétait E.V.E.



Tʼas vu les photos ? Imagine sous tes yeux… Du sang, des tentacules à nʼen plus finir, du mucus, et cette souffrance sur son visage. Seigneur…
Lorsque tu la vois, ce nʼest plus une chose, cʼest un signe.
Tiens, ressers moi un verre.
Jʼai senti lʼodeur de la mort comme un parfum… Merci.
Le moindre de mes pas aspirait mon être, comme un fluide sucé par une divinité bienveillante.
Jʼen ai pleuré, et dans mes larmes coulait le peu de moi qui restait. Je suis tombé à genou, lʼai admiré, et vu la beauté de la souffrance.
Commet peut on endurer autant de douleur ?
Dès lors je me suis tu, et fait parler lʼappareil. Et ouais mec, jʼétais là pour ça !
Sa poitrine oculaire regardait le présent devenu néant, et moi, je voyais lʼavenir. »

dimanche 7 octobre 2007

Elno El Varan



Il est né dans le quartier de l’Aube Rouge, Elno. Il a appris bien vite ce qui régit le coeur des hommes : argent & pouvoir. Il vit d’alcool et d’embrouilles. Il a le sang chaud et s’affuble de toutes sortes de surnoms, dont “La Mano” tant il sait jouer du poing.
Encore larvesque, il est chauffeur-livreur pour une petite compagnie familiale d’import-export. Quand le gérant se nommait encore Richie, mais que le grand public connaîtra plus tard sous le nom de King Roscoe.
On y reviendra.
L’ entreprise fonctionne bien, mais pas assez. S’adapte aux lois du marché, varie ses activités. Drogue, armes et femmes, mineures souvent, paumées tout le temps, viennent remplir le catalogue. C'est la loi du marché.
Elno gagne vite la confiance du grand patron qui aime sa façon naturelle de régler toutes sortes de problèmes. D'autant plus qu'il est assidu à la tâche Elno. De machoires cassées en enucléations, il sait faire entendre la voix de son Boss. Grâce à lui, tout le monde connait le nom de Roscoe, devenu depuis King Roscoe.



Elno n'est pas un valet. C'est un Roi en devenir.

Avance rapide : Arrive le moment où il louche lui aussi sur l’Auberge Rouge, qui l’a vu naître et grandir aux sons des verres qui trinquent et d’os qui se brisent et demande à King Roscoe l'Auberge Rouge comme quartier général.
L'affront.
King Roscoe le menace comme personne ne l’avait jamais fait avant, et comme personne ne le fera jamais plus après.
Elno voit rouge.
Avec l’aide des Pustula Sisters, il décide de faire justice lui-même et incendie l’entrepôt du patron ingrat. Mais Elno est cueilli par des flics. Des flics !
Les jumelles l’ont balancé.



Les flics se sont régalés.
Le Boss a préféré perdre son encombrant bras droit que sa cargaison.
C'est ça le sens des priorité.
Elno est arrêté.
Sur lui, les policiers,
trouveront un bidon d’essence et des chiffons. Chez lui : drogues, armes et des billets, par liasses, photo de filles apeurées sous éclairages blafards… Les choses se gâtent.
Il allait le payer cher, et pour les autres. Tant d'ans de loyaux sevices… et tu vas moisir le restant de tes jours à l'ombre.

Tes rêves de pouvoir et d’argent s’envolent ! Ta vie se couvre d'un linceul tissé par les ouvriers de la nuit ! Pendant ce temps, King Roscoe reigne sans partage sur la ville ! Entend-le ! De l’ Auberge Rouge où il a prit ses assises !

En effet, son rire résonnait si fort que de l'obscurité de sa cellule, Elno en l'entendant, jura vengeance.

Voilà, c’était l’histoire d’Elno, petite frappe qui avait des rêves trop grands pour sa petite vie.


Tout pût s’arrêter là, or c’est maintenant que tout commence.

Les territoires sont des choses qui ne se partagent pas. Ils se gagnent au prix d'efforts parfois, et de morts souvent.
Souvenez-vous, la fusillade, rue du Parc… tout ces innocents… ces femmes, ces enfants… ce sang… règlements de comptes et l’opinion publique, choquée qui demande des comptes.
Et voilà comment un appel téléphonique eut pour seule consigne : « Vous avez les pleins pouvoirs ; je veux des résultats, et rien que des résultats.»
La légende prétend que toutes les transactions furent prises en sous-sol, mais rien de cela n’est vrai. En vérité, le commissaire Théodore Bone, en plus d’avoir les pleins pouvoirs, avait aussi carte blanche. Je le sais. J'y étais.



Comme Bone n'a jamais été à cours d'idées mais toujours à cours d’effectif, son plan fut d’alimenter ses troupes avec des éléments du milieu. Manoeuvre Classique qui n’était pas de transformer des flics en faux voyoux, mais plutôt des voyoux en vrais flics. Et qui, dans les prisons connaissait mieux que personne King Roscoe et ses ennemis ?
Elno.
Le même qui, en attente de son proçès, éructe du fin fond de sa cellule. Le même qui plie ses barreaux à coup de tête et qui crie et qui bave à la simple évocation de Roscoe. Agent idéal et rancunier, il ne demande qu’à corriger ceux qui sont responsables de sa situation, avec ou sans remise de peine.
Ce sera avec. Mieux ! En cas de réussite, il sera acquitté.
Elno accepta la main tendue des forces de l’ordre.

Et c’est ainsi, qu’un bourreau notoire, alcoolique et ultraviolent, pénètre dans les bureaux de polices.



En coopérant avec les hommes de Bone, il investit le terrain, renoue avec ses anciens contacts, fait monter la pression entre les gangs et élimine les intermédiaires suspicieux. De quoi susciter des jalousies. En plusieurs mois d’infiltration, aucun homme de loi n’a pu en faire autant.
Elno ne dort jamais, il est sur tous les fronts, et gère de plus en plus les opérations au grand dam des anciens du services, qui n’y voient qu’un “petit con prétentieux prêt à balancer et trâhir ses amis”. Un avis pas communément partagé, surtout pas par le commissaire Bone, sur un siège éjectable depuis la nomination de l’ex-détenu. Mais ces dissentions, inhérentes à tout service, n’altéreront pas la bonne marche des opérations.
Après des semaines de préparation, un assaut d’envergure est lancé. Tous les groupes spéciaux d’intervention passent à l’attaque aux quatre coins de la ville. Les Pustula Sisters tomberont les premières.
Vinnie To se rendra sans faire trop d’histoires, contrairement à ses hommes dont le carnage des quartiers Est témoigne encore de leur ardeur au combat.
Puis suivirent A, B et Z du gang des Lettres et ainsi que Globulus dont on aura l'occasion de reparler.
Reste King Roscoe, dont la chute devenait imminente. Certains l’auraient vu dans les ruelles malfamées de la ville, mais aussi dans les beaux quartiers où il préparait son départ pour les frontières neutres. On aurait perdu sa trace, dit on.
Finalement, King Roscoe tentera de forcer un barrage de police.
Tout simplement.

Sa mort paraphait le déclin de son empire. Longtemps annoncé, il trouva son épilogue dans la destruction de l' entrepôt. Le même où Elno fit ses classes d’apprenti gangster. Après fusillade Elno donna l’ordre de d’y mettre le feu.
Ce fut fait.
Ce soir là, un immense incendie embrasa la nuit.

On prétend qu' Elno, face au brasier divin, s’alluma un cigare et aurait sourit.



Après la réussite des opérations, le procureur général prit sa retraite et laissa sa place à Thédore Bone. La roue tourne, pour chacun.
Elno, vite devenu une bête médiatique, profita de cette gloire soudaine. Il s’acheta des litres de Tequilla et un animal de compagnie: un Varan, une femelle de cent cinquantes kilos avec laquelle il vit seul.« Suzie est le seul être en qui j’ai confiance». Suzie, c'est le varan. Depuis, Elno sera “El Varan” et nul doute que sa veste en peau de serpent et son faciès émacié n’y furent pas étrangers.
El Varan fêta ses premiers moments de liberté comme il se devait : dans un bar et ivre mort. Le Procureur Bone, en visite à l'Auberrge Rouge ce soir là, garde un souvenir ému : « Il était fou de joie ! Il tabassait un type qui avait le même briquet que lui. »

Quand les Métamorphes changent la donne…

La race humaine, on le sait, allait entrer dans une nouvelle ère. Une ère sans nom et sans visage qui divise scientifiques et religieux depuis des années maintenant. Une ère dont l’origine encore inconnue redéfinit l’humain et sa position au monde : les Métamorphes.

Le tout premier cas référencé, ou plutôt la toute première, fut découverte sans vie et en phase de mutation terminale. Tout le monde a vu les photos, essayer de la décrire serait vain ; on ne décrit pas l’indescriptible. Le corps de la malheureuse, livrée en pâture aux médias, permit à chacun de se faire une opinion.
En quelques semaines, les témoignages se sont succédés comme une traînée de poudre. Chacun a vu son métamorphe ! Chacun veut dire à quoi ça ressemble, mais aucun ne peut les détailler !
Le tumulte, cette rumeur grondante et chaotique, s’empare de la ville, et le nouveau procureur Bone, doit y faire face. Sa réaction est immédiate : il annonce qu’il confiera la dépouille métamorphique aux esprits compétents, puis mettra sur pied une cellule spéciale afin d’endiguer mais par dessus tout, de comprendre, leurs origines.
Devant de telles résolutions, l’opinion publique resta tiède, convaincue qu’on ne traîte pas le surnaturel comme on traîte le crime.

Puis apparurent d’autres cas. L’Auberge Rouge fût gâtée en référencement. Cinq manifestations sur cinq finissaient en carnage.
Puis, la vague de crime déférla sur la ville, et les statistiques explosèrent.
Les métamorphes sont de redoutables chasseurs en zone urbaine. Une de leurs particularités est leur facilité à se mouvoir et de se draper de pénombre.
À l’instar des rats, ils aiment les conduits sales, humides, les rues exiguës et les impasses crasseuses dans lesquelles ils trouvent tout confort. Pour trouver un métamorphe, il faut aller le chercher - l’inverse étant rarement bon signe. Hormis les candidats au suicide, aucun ne se porte volontaire.
Lorsque la diversité de leur espèce fût mise au grand jour, l’homme comprit qu’il n’était plus le sommet de l’échelle alimentaire.
Quand on se tourne vers la rue, la rue se tourne vers vous. C’est vers la rue que Bone s’est tourné et c’est dans la rue qu’il a trouvé en la personne de son ex-protégé, Elno, l’homme de la situation.

À menaces exceptionnelles, mesures exceptionnelles,

Il créé une cellule spéciale dans laquelle officiraient deux ex-policiers, Vitti et Hollander, à l’époque suspendus pour défaillance mentale. Ils furent les premiers à enquêter sur les métamorphes, ou du moins sur “des créatures mangeuses d’hommes”. Bien entendu, leurs propos et leurs rapports ne furent jamais pris au serieux et les deux enquêteurs ont été priés de quitter les services qu’ils avaient si bien honorés pendant des années.





Leur réhabilitation n’est que justice, et la somme de leurs enquêtes passées sur le sujet, une vraie mine d’or.
Le Docteur Il fut lui aussi réhabilité. Biologiste de renom mais généticien contesté, il fit parler de lui en permettant l’arrestation de nombreux criminels en série grâce à ses recherches sur les hormones comportementales. Mais, passé le beau temps vint la tempête. En expérimentant des substances anxiogènes sur des nouveaux-nés, il fît un tel scandale que son image d’apprenti magicien s’en est trouvée furieusement écornée. Sa nomination par Bone le fait revenir de loin.
“Le sacre d’une vie”, comme il le décrira plus tard. Malgré des recherches contestables, il est et reste unanimement reconnu comme l’un des plus grands savants en activité, cherchant dans le scandale les réponses que lui seul peut trouver.
Et si certains de ses pairs pensent qu’il ne fait pas honneur à la science, tous sont d’accord pour dire qu’il l’a faite avancer.
Bone mit à leur service l’ancien hôpital, une vielle bâtisse d’un siècle vouée à la destruction. Isolé de tout, l’hôpital rebaptisé le Centre sert aussi de base-arrière à la Cellule et d’un formidable atelier pour le Docteur Il. Chaque métamorphe récupéré est emmené, analysé et décortiqué si besoin est, là-bas, au Centre. A l’abri de tout et de tous, sauf des caméras de surveillance.
Enfin, pour diriger l’équipe, il fallait quelqu’un extérieur aux services.
Et ce quelqu’un fut El Varan.

Et voilà, voilà comment on passe d’affranchi à parvenu. Voilà comment la police, cette si vénérable institution, offre aux fous psychotiques le moyens d’abuser des pouvoirs qui leurs sont offerts, car c’est bien là d’un cadeau qu’il s’agit.
Et oui Messieurs Dames, maintenant, la Police, c’est lui. Elno, El Varan, appelez-le comme vous le voulez, mais pas trop fort. Chut !
Il a une plaque.

Pire.

Il a un flingue.

samedi 15 septembre 2007

MORTS & VIFS 0.1

Teaser de Morts & Vifs :







«POURQUOI nous soumettre de nouveau à ce jeu ?». C’est ainsi qu’a commencé l’entretien. La question est aussi tranchante que peut l’être le regard de Lex en attente de ma réponse.
La rencontre fut courte, les réponses aussi. C’est l’une des rares fois où j’en ai su moins en finissant l’entretien qu’en le commençant.
Diane parle un autre langage, ce qui résume toute l’ambiguité de son être. Demandez-lui depuis combien de temps elle n’a pas mangé, ou dormi, ou ceci ou cela, elle vous repondra qu’elle ne mange pas, qu’elle ne dort pas. Ce n’est pas simple.



Derrière elle, son compagnon ne relève pas, et me jette un regard du coin de l’oeil avant de terminer son verre.
Je lui demande où elle a vécu et où elle a grandi, elle me répond qu’elle ne s’en souvient plus. Je ne la crois pas, et pourtant rien en elle, ni sourire ni regard ne vient contredire ses pensées. L'entretien continue. Je lui demande un peu maladroitement comment ils se sont rencontrés : “un soir. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un avant. Jamais. “ . Une fois encore, je ne demande qu’à la croire. Une fois encore, je n’y arrive pas.



Tandis que son amour reste à la fenêtre à guetter un danger qui ne vient pas, elle ne semble pas comprendre pourquoi ils sont l’objet d’une telle chasse à courre. Pire, elle ne semble pas s’en souvenir. Lorsque je lui montre sa photo dans le journal, elle se passionne pour les publicités. Elle ne se reconnaît pas, ou fait tout comme.
A ce moment, Lex lui arrache nerveusement le journal des mains, puis il me crie dessus : «Arrêtez avec vos conneries, ne déconnez pas avec ça !», puis il retourne à sa fenêtre. Tout ceci est bien étrange, d’autant qu’elle n’a fait preuve d’aucune réaction.
Elle finit: ” J'ai faim. Vous avez de la viande ? J'aime la viande. ”. Candide, souvent émerveillée par les choses simples qui l’entourent, il m' est très difficile de la prendre au sérieux tant ses réponses sont nébuleuses, mais plus difficile encore de ne pas sombrer dans le doute lorsque, les yeux mi-clos, elle vous renvoie la question : “Et vous, comment vous l’avez rencontré votre compagnon?”.
Je lui réponds que je n’en ai pas, que je n’en ai jamais eu, que je suis une femme qui aime les femmes et que c’est de notoriété publique.
Ma réponse la fait sourire.
J’arrête l’enregistrement.
L’entretien est fini.
Il n’aura pas duré une heure, mais trois.
Ce n’était pas sans appréhension que je me suis rendue au lieu de rendez vous, mais bardée d’inquiétude lorsque j’en suis sortie.
Je n’ai jamais cessé de me demander si tout ceci n’est pas une immense supercherie dont je ferai involontairement l’écho.
Pourtant j’ ai vu leur regard de bêtes traquées, le mépris de leur propre individualité, comme s’ils étaient déjà morts. J’y ai vu un couple à mille lieues des criminels qu’ils sont censés être.
Un couple qui n’attend rien de l’avenir que ce qu’ils peuvent s’offrir déjà : l’espoir que la battue cesse et que surgisse enfin la Vérité.

T.C.





PETIT JOURNAL :




PETIT JOURNAL - (1)

«Tʼai-je déjà parlé du lapin à la hache ? Tʼai-je évoqué sa laideur ? Sa taille ? Il est gigantesque ! Dépasse ces bâtisses où je cherche refuge quand je le vois ! Son arme ? Si grande, si lourde, quʼil ne peut pas la brandir à bout de pattes !
Jʼai beau me cacher, il me trouve toujours le salaud ! C'est à cause de ses moustaches qui sont trop sensibles, qui remuent sans cesse, qui radarisent et me traquent sans répit.
J'ai souvent vu son ombre sʼétendre, la voir lever hache attendant lʼheure pour lʼabattre sur moi. Comment veux-tu, s'il est toujours là, que mes conquêtes soient conquises ? Maudit sois-tu Lapin, je te hais! Tu es seul responsable de mes échecs.





Jʼavais rendez-vous hier. Avec Trudie, une conne. Il pleuvait. Elle nʼest pas venue. Et tu sais pourquoi petit journal? Parce que le lapin, lui, était là.

En face, il y avait l' horloge, et nous, le lapin et moi, fixions le temps, qui semblait comme s'être arrêté du coup... Puis à lʼheure pile, au premier son de cloche, je me suis retourné vers lui, et jʼai vu ses longues moustaches sʼexciter.
Au deuxième gong, il a fait tournoyer sa hache autour de ses oreilles géantes, brassant le ciel dʼun son grave... et jʼai crié.
Troisième gong : le coup fatal.
La hache sʼest abattue sur moi, jʼai hurlé, la foule mʼa regardé, certains ont même appelé la police je crois. Je ne mʼen rappelle plus.
Mes fleurs sont tombées à lʼeau, mon rencart aussi.
Le Lapin mʼavait à nouveau abattu dʼune nouvelle déception. Il avait saigné mon rencart. Il avait encore gagné. Trudie nʼétait pas venue, je suis resté seul, tandis quʼune fanfare triste jouait du cuivre partout pour un public qui s'en foutait.

Ce Lapin, cʼest lʼennemi du bien. Cʼest mon ennemi intime.»




« Julius est mon nouvel ami. Il est tout le contraire de lʼaffreux Lapin. Julius mʼaide dans tout ce que jʼentreprends. Il est mon ange guardien, le symbole de ma future réussite. Cʼest grâce à lui que jʼai rencontré Diane, cʼest grâce à lui que je me sens revivre.
Il mʼa expliqué, derrière un verre et un cigare (oui, cʼest un gros fumeur de cigares. Ca mʼa paru étrange aussi.), comment ça se passait là-haut..., Savais-tu que là-haut, au paradis, un système de notation légifère la vie des chérubins? Les chérubins sont notés sur le nombre de coups de foudre réussis sur une période donnée, en gros entre une semaine à un mois. Je schématise, les unités de temps nʼétant pas les mêmes entre eux et nous.
Chacun dʼeux est surveillé par un supérieur qui rend des comptes à la hiérarchie au dessus et ainsi de suite jusquʼau patron.
Cʼest une belle machine bien huilée qui ne souffre aucun dysfonctionnement, tout du moins lorsque chaque élément remplit sa part du contrat. Et cʼest tout le problème de Julius : cʼest quʼil a beau avoir la meilleure volonté du monde, il ne fait que des catastrophes !
Avant, il tirait à lʼarc, comme tous les chérubins en mission. Mais il ratait toujours sa cible. Du coup, il y eu énormément dʼaccouplements contre nature, des chats avec des chiens, des porcs avec des oies, des trucs comme ça.
Alors Julius a changé son arc, et depuis quʼil possède une machine-gun, cʼest pire ! Maintenant, il tire à vue!
Pour rejoindre leur dulcinée, de jeunes amoureux se font écraser par des camions, sautent du toit, finissant prématurément au paradis dans un service non apprété à les recevoir. Branle-bas de combat, réorientation, résurrection, réprimande !
Cʼest Julius qui a mis en fuite le lapin à la hache. Le combat a dû être titanesque. Il mʼa tout raconté Julius.
San lui, jamais ma rencontre avec Diane n'aurait pu être possible. Jamais ma vie nʼaurait pris le sens qui est la sienne aujourdʼhui.
Jamais je nʼaurais vu lʼamour aussi nettemment lové dans les yeux de celle qui partage mon existence maintenant.
Jamais je nʼaurai cru quʼune telle émotion fût possible.
Jamais.
Merci Julius. »




TEXTE NON DATÉ - DATE ESTIMÉE : 15 / 20 MARS.

« Elle sʼappelle Diane, cʼest une déesse.A lʼunisson, nos coeurs ont cessé de battre, puis se sont murmurés des rythmes fous. Son regard, ses gestes, tout en elle provoque un tourbillon de bonheur. Et oui.
Elle est tellement tout, quʼil faudrait inventer des mots pour la décrire. Donc, pas dʼadjectifs bradés par des Roméos de pacotilles.

Julius mʼa libéré du Lapin, mais emprisonné dans un tout autre danger : LʼAmour.
L'amour et son cortège de joie, de souffrance et de jalousie. Au moins le Lapin mʼépargnait-il ça.

Ce sentiment si loin jadis pour être un jour désiré avait fait irruption dans nos vies. Intrusion passagère ou résident permanent ? Un peu des deux sûrement.

Mais Diane, elle, est tout, sauf de passage. »





« La gueule de bois porte les traits de mon stylo avec la conviction du condamné paraphant son arrêt de mort. Hier, la soirée a débordé de son lit, entraînant une cascade d’événements que je ne peux contenir davantage.
La migraine me fait violence. La soleil n’a jamais été aussi lourd, mon esprit aussi.
Quelques souvenirs s’incrustent. Parmi eux : des fleurs tristes - y’a t’il plus malheureux que des fleurs tristes? - de la pluie, et une rencontre.
Diane… L’aisance tranquille avec laquelle elle a pris place dans mon existence me désarme. Seul son souvenir me donne le courage d’écrire ces lignes avant qu’une quelconque migraine ne revienne l’interrompre. J’ai envie de vomir. Encore.»
(...)

«La douleur persiste, ce sommeil empuanti prend des allures de bête immonde…»

(...)

« Ma gueule de bois se sculpte au gré du chant des sirènes.
Douloureuse est ma chute dans ce quotidien sans fond.
Comme c’est étrange de sentir ce changement en soi... » (2)


Ce n’est pas possible ! C’est une maladie bizarre. Il faut que je me renseigne, c’est un truc qui existe et dont on parle pas. Il y a plein de trucs qui existent dont personne ne parle… Ou ne croit.




(1) Parmi les grands débats qui firent rage auprès des plus éminents scientifiques , l’un des plus représentatif de cette période fut de savoir combien de temps s’est écoulé entre cet instant et la découverte du manuscrit.
Lorsque Lex reprend la plume, quelques heures sont passées. Certes, mais combien précisément? Difficile à préciser et là les avis divergent. Seule la suite des événements compte même si certains avancent l’argument suivant : s’il n’y avait pas eu de lettre, il n’y aurait pas eu de suite. Lorsqu’il reprend la plume, Lex est déjà vraisemblablement mort (selon J. Chevalier, il l’était depuis son réveil, selon F.Darius, il ne l’est devenu qu’à cet instant précis)

(2) Ce moment très contreversé au sein des lexologues n’empêche nullement d’avoir une opinion sur le sujet. “Comme il est drôle de sentir le changement en soi...” écrit-il.
Certains affirment que Lex prit connaissance de sa nature dès l’écriture de ces phrases. Ce qui est faux de toute évidence. Il suffit de lire sa graphologie pour s’en convaincre.
Sa plume a vraisemblablement dû rester en suspens quelques instants car dès lors, son phrasé est hésitant, saccadé, et son écriture plus que médiocre voire illisible. Hors saôulerie monumentale, aucune page, aussi anodine soit-elle, n’a affiché un mépris si flagrant aux conditions de lecture.
Il est reveillé, rappelons-le, depuis moins d’une heure, certes, mais pour la troisième fois de la journée. Sa gueule de bois n’a donc plus, ou moins, de raison d’être. Ce ne sont logiquement que les premiers symptômes de sa nature, ou du moins leur connaissance, qui aient pu le mettre dans cet état de “transe extra graphique”. Lorsque cela arrive, il sait. Il sait qu’il vient de basculer vers l’Outre-monde.



Lex




« Il n’a jamais aimé se définir. » (1)
La fin de sa vie synthétise à elle seule ces quelques mots qui peuvent paraître simples mais qui associés les uns aux autres, composent une des personnalités les plus complexes que notre monde moderne ait eu à analyser. (2)
Alors comment la faisait-il ? La “Criminel attitude” qu’il exhibait reflétait-elle le fond de son esprit, ou tout ceci n’était-il pas un leurre pour jouer le jeu des médias, petit jeu de la communication dont tout le monde s’entend pour en dénoncer les travers. (3)
Si l’on se penche sur son cas, ainsi que ceux qui ont croisé sa route on sait que ce ne sont plus les affirmations qui l'ont construit, mais nombreuses divergences entre témoins et analystes. Quant au manque d’informations le concernant, les autorités voudraient se faire accuser de mensonge à très grande échelle qu'elles ne s'y seraient pas prises autrement.
Face à autant d’incertitudes il convient de ne pas laisser de place aux supputations qui justifieraient le jeu que certains médias n’ont jamais cessé d’arbitrer.
Car si l’on suit le fil de pensée acquis auprès des couches les plus représentatives de la société, on assiste impuissant à une liquéfaction des raisonnements construits sur le “Parce que”.
Plus personne de nos jours ne peut nier que l’ignorance EST connaissance. Comme l’écrit Fukusaki, “c’est le savoir digéré… et mal vomi. ”

Qui peut dire ce que représente le Lapin à la hache ? Qui peut affirmer que Lex voyait réellement les anges? Ne jouissait-il pas plus de sa mort que de sa vie ?

On le sait, si on affirme un point de vue différent qu'à la lumière des faits qui unissent l’information à ceux qui la reçoivent, alors cela n’est valable que si le dernier verrou qui sépare l’humain «pensant» de celui «absorbant» vole en éclats.
Alors que vole le verrou ! Cessons d'extrapoler et cherchons la vérité où elle se trouve : dans ses textes. (4)


1: Dixit Trudie, sa première compagne.

2- Parmi eux de nombreux analystes et théoriciens des “infos raisonnées” tel que Edo Fukuzaki ou encore Ted Hungton dont les ouvrages récents dénoncent les nouvelles facettes de “l’info reconstruite”.

3- le terme est un peu fort, mais il ne s’agit ici nullement de Lex en tant que personne qui est ici défini, mais tout ce qui, par son truchement permit au monde “normal” de découvrir l’obscur et le fantastique. Ceci est autant valable dans la représentation physique qui fut faite de nos craintes les plus inavouables, que les raisons qui les ont fait venir à la vie.

4- Fait rare : Il n’y eu aucune voie discordante parmi les experts graphologues. Sur les sept experts, aucun ne contredit l’authenticité des manuscrits.
Mieux: selon eux, les écrits découverts ne représenteraient que la face visible d’un “iceberg si gros qu’on ne pouvait pas ne pas le voir.” Fin de citation.

SYNOPSIS



Lex et Diane, amants fugitifs, arrivent dans un minable hôtel aux confluents de la Grande Ville. Ils ont rendez-vous. Contact : Le Doc.
Le Doc peut beaucoup pour eux paraît-il, même sauver Lex de cette gangrène inconnue qui le fait pourrir vivant. Mais pour soigner le mal, encore faut-il en connaître les symptômes.
Alors Lex parle, du Lapin à la Hache- syndrome incarné de ses échecs, de sa bagarre avec la psychotique Elno, policier numéro Un, de Julius, le chérubin violent qui lui fait rencontrer Diane à grands coups d'énigmes et de machine-gun…
Diane ?
L'évadée du Centre ? Tout le monde en parle ! Parait-il qu'elle peut détruire la Grande Ville à elle-seule. Mouais… Pour l'heure, elle ressemble plus à une jolie femme amnésique qu'à une criminelle.
Bon, c'est pas tout ça, mais le temps presse.
La police dirigée par le très rancunier Elno n'est plus très loin.

Et L'assaut contre l'hôtel est imminent.

mercredi 22 août 2007

Morts & Vifs !




Tout ces mots que l'on vous dit,
paradent au seuil de la nuit
aboiements qui se meurent doucement,
en des murmures agonisants.

Ils sanglotent dans l'infini
Car en amour il en est ainsi.
Que l'on s'aime une vie,
ou que l'on s'aime un peu
Ce n'est rien d'autre qu'un petit jeu.

On nait seul, on vit seul, on crève seul,
La solitude est toujours gagnante.
Tout ça c'est définitif,
car nous sommes
Morts et Vifs !