Teaser de Morts & Vifs :
«POURQUOI nous soumettre de nouveau à ce jeu ?». C’est ainsi qu’a commencé l’entretien. La question est aussi tranchante que peut l’être le regard de Lex en attente de ma réponse.
La rencontre fut courte, les réponses aussi. C’est l’une des rares fois où j’en ai su moins en finissant l’entretien qu’en le commençant.
Diane parle un autre langage, ce qui résume toute l’ambiguité de son être. Demandez-lui depuis combien de temps elle n’a pas mangé, ou dormi, ou ceci ou cela, elle vous repondra qu’elle ne mange pas, qu’elle ne dort pas. Ce n’est pas simple.
Derrière elle, son compagnon ne relève pas, et me jette un regard du coin de l’oeil avant de terminer son verre.
Je lui demande où elle a vécu et où elle a grandi, elle me répond qu’elle ne s’en souvient plus. Je ne la crois pas, et pourtant rien en elle, ni sourire ni regard ne vient contredire ses pensées. L'entretien continue. Je lui demande un peu maladroitement comment ils se sont rencontrés : “un soir. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un avant. Jamais. “ . Une fois encore, je ne demande qu’à la croire. Une fois encore, je n’y arrive pas.
Tandis que son amour reste à la fenêtre à guetter un danger qui ne vient pas, elle ne semble pas comprendre pourquoi ils sont l’objet d’une telle chasse à courre. Pire, elle ne semble pas s’en souvenir. Lorsque je lui montre sa photo dans le journal, elle se passionne pour les publicités. Elle ne se reconnaît pas, ou fait tout comme.
A ce moment, Lex lui arrache nerveusement le journal des mains, puis il me crie dessus : «Arrêtez avec vos conneries, ne déconnez pas avec ça !», puis il retourne à sa fenêtre. Tout ceci est bien étrange, d’autant qu’elle n’a fait preuve d’aucune réaction.
Elle finit: ” J'ai faim. Vous avez de la viande ? J'aime la viande. ”. Candide, souvent émerveillée par les choses simples qui l’entourent, il m' est très difficile de la prendre au sérieux tant ses réponses sont nébuleuses, mais plus difficile encore de ne pas sombrer dans le doute lorsque, les yeux mi-clos, elle vous renvoie la question : “Et vous, comment vous l’avez rencontré votre compagnon?”.
Je lui réponds que je n’en ai pas, que je n’en ai jamais eu, que je suis une femme qui aime les femmes et que c’est de notoriété publique.
Ma réponse la fait sourire.
J’arrête l’enregistrement.
L’entretien est fini.
Il n’aura pas duré une heure, mais trois.
Ce n’était pas sans appréhension que je me suis rendue au lieu de rendez vous, mais bardée d’inquiétude lorsque j’en suis sortie.
Je n’ai jamais cessé de me demander si tout ceci n’est pas une immense supercherie dont je ferai involontairement l’écho.
Pourtant j’ ai vu leur regard de bêtes traquées, le mépris de leur propre individualité, comme s’ils étaient déjà morts. J’y ai vu un couple à mille lieues des criminels qu’ils sont censés être.
Un couple qui n’attend rien de l’avenir que ce qu’ils peuvent s’offrir déjà : l’espoir que la battue cesse et que surgisse enfin la Vérité.
T.C.
PETIT JOURNAL :
PETIT JOURNAL - (1)
«Tʼai-je déjà parlé du lapin à la hache ? Tʼai-je évoqué sa laideur ? Sa taille ? Il est gigantesque ! Dépasse ces bâtisses où je cherche refuge quand je le vois ! Son arme ? Si grande, si lourde, quʼil ne peut pas la brandir à bout de pattes !
Jʼai beau me cacher, il me trouve toujours le salaud ! C'est à cause de ses moustaches qui sont trop sensibles, qui remuent sans cesse, qui radarisent et me traquent sans répit.
J'ai souvent vu son ombre sʼétendre, la voir lever hache attendant lʼheure pour lʼabattre sur moi. Comment veux-tu, s'il est toujours là, que mes conquêtes soient conquises ? Maudit sois-tu Lapin, je te hais! Tu es seul responsable de mes échecs.
Jʼavais rendez-vous hier. Avec Trudie, une conne. Il pleuvait. Elle nʼest pas venue. Et tu sais pourquoi petit journal? Parce que le lapin, lui, était là.
En face, il y avait l' horloge, et nous, le lapin et moi, fixions le temps, qui semblait comme s'être arrêté du coup... Puis à lʼheure pile, au premier son de cloche, je me suis retourné vers lui, et jʼai vu ses longues moustaches sʼexciter.
Au deuxième gong, il a fait tournoyer sa hache autour de ses oreilles géantes, brassant le ciel dʼun son grave... et jʼai crié.
Troisième gong : le coup fatal.
La hache sʼest abattue sur moi, jʼai hurlé, la foule mʼa regardé, certains ont même appelé la police je crois. Je ne mʼen rappelle plus.
Mes fleurs sont tombées à lʼeau, mon rencart aussi.
Le Lapin mʼavait à nouveau abattu dʼune nouvelle déception. Il avait saigné mon rencart. Il avait encore gagné. Trudie nʼétait pas venue, je suis resté seul, tandis quʼune fanfare triste jouait du cuivre partout pour un public qui s'en foutait.
Ce Lapin, cʼest lʼennemi du bien. Cʼest mon ennemi intime.»
« Julius est mon nouvel ami. Il est tout le contraire de lʼaffreux Lapin. Julius mʼaide dans tout ce que jʼentreprends. Il est mon ange guardien, le symbole de ma future réussite. Cʼest grâce à lui que jʼai rencontré Diane, cʼest grâce à lui que je me sens revivre.
Il mʼa expliqué, derrière un verre et un cigare (oui, cʼest un gros fumeur de cigares. Ca mʼa paru étrange aussi.), comment ça se passait là-haut..., Savais-tu que là-haut, au paradis, un système de notation légifère la vie des chérubins? Les chérubins sont notés sur le nombre de coups de foudre réussis sur une période donnée, en gros entre une semaine à un mois. Je schématise, les unités de temps nʼétant pas les mêmes entre eux et nous.
Chacun dʼeux est surveillé par un supérieur qui rend des comptes à la hiérarchie au dessus et ainsi de suite jusquʼau patron.
Cʼest une belle machine bien huilée qui ne souffre aucun dysfonctionnement, tout du moins lorsque chaque élément remplit sa part du contrat. Et cʼest tout le problème de Julius : cʼest quʼil a beau avoir la meilleure volonté du monde, il ne fait que des catastrophes !
Avant, il tirait à lʼarc, comme tous les chérubins en mission. Mais il ratait toujours sa cible. Du coup, il y eu énormément dʼaccouplements contre nature, des chats avec des chiens, des porcs avec des oies, des trucs comme ça.
Alors Julius a changé son arc, et depuis quʼil possède une machine-gun, cʼest pire ! Maintenant, il tire à vue!
Pour rejoindre leur dulcinée, de jeunes amoureux se font écraser par des camions, sautent du toit, finissant prématurément au paradis dans un service non apprété à les recevoir. Branle-bas de combat, réorientation, résurrection, réprimande !
Cʼest Julius qui a mis en fuite le lapin à la hache. Le combat a dû être titanesque. Il mʼa tout raconté Julius.
San lui, jamais ma rencontre avec Diane n'aurait pu être possible. Jamais ma vie nʼaurait pris le sens qui est la sienne aujourdʼhui.
Jamais je nʼaurais vu lʼamour aussi nettemment lové dans les yeux de celle qui partage mon existence maintenant.
Jamais je nʼaurai cru quʼune telle émotion fût possible.
Jamais.
Merci Julius. »
TEXTE NON DATÉ - DATE ESTIMÉE : 15 / 20 MARS.
« Elle sʼappelle Diane, cʼest une déesse.A lʼunisson, nos coeurs ont cessé de battre, puis se sont murmurés des rythmes fous. Son regard, ses gestes, tout en elle provoque un tourbillon de bonheur. Et oui.
Elle est tellement tout, quʼil faudrait inventer des mots pour la décrire. Donc, pas dʼadjectifs bradés par des Roméos de pacotilles.
Julius mʼa libéré du Lapin, mais emprisonné dans un tout autre danger : LʼAmour.
L'amour et son cortège de joie, de souffrance et de jalousie. Au moins le Lapin mʼépargnait-il ça.
Ce sentiment si loin jadis pour être un jour désiré avait fait irruption dans nos vies. Intrusion passagère ou résident permanent ? Un peu des deux sûrement.
Mais Diane, elle, est tout, sauf de passage. »
« La gueule de bois porte les traits de mon stylo avec la conviction du condamné paraphant son arrêt de mort. Hier, la soirée a débordé de son lit, entraînant une cascade d’événements que je ne peux contenir davantage.
La migraine me fait violence. La soleil n’a jamais été aussi lourd, mon esprit aussi.
Quelques souvenirs s’incrustent. Parmi eux : des fleurs tristes - y’a t’il plus malheureux que des fleurs tristes? - de la pluie, et une rencontre.
Diane… L’aisance tranquille avec laquelle elle a pris place dans mon existence me désarme. Seul son souvenir me donne le courage d’écrire ces lignes avant qu’une quelconque migraine ne revienne l’interrompre. J’ai envie de vomir. Encore.»
(...)
«La douleur persiste, ce sommeil empuanti prend des allures de bête immonde…»
(...)
« Ma gueule de bois se sculpte au gré du chant des sirènes.
Douloureuse est ma chute dans ce quotidien sans fond.
Comme c’est étrange de sentir ce changement en soi... » (2)
Ce n’est pas possible ! C’est une maladie bizarre. Il faut que je me renseigne, c’est un truc qui existe et dont on parle pas. Il y a plein de trucs qui existent dont personne ne parle… Ou ne croit.
(1) Parmi les grands débats qui firent rage auprès des plus éminents scientifiques , l’un des plus représentatif de cette période fut de savoir combien de temps s’est écoulé entre cet instant et la découverte du manuscrit.
Lorsque Lex reprend la plume, quelques heures sont passées. Certes, mais combien précisément? Difficile à préciser et là les avis divergent. Seule la suite des événements compte même si certains avancent l’argument suivant : s’il n’y avait pas eu de lettre, il n’y aurait pas eu de suite. Lorsqu’il reprend la plume, Lex est déjà vraisemblablement mort (selon J. Chevalier, il l’était depuis son réveil, selon F.Darius, il ne l’est devenu qu’à cet instant précis)
(2) Ce moment très contreversé au sein des lexologues n’empêche nullement d’avoir une opinion sur le sujet. “Comme il est drôle de sentir le changement en soi...” écrit-il.
Certains affirment que Lex prit connaissance de sa nature dès l’écriture de ces phrases. Ce qui est faux de toute évidence. Il suffit de lire sa graphologie pour s’en convaincre.
Sa plume a vraisemblablement dû rester en suspens quelques instants car dès lors, son phrasé est hésitant, saccadé, et son écriture plus que médiocre voire illisible. Hors saôulerie monumentale, aucune page, aussi anodine soit-elle, n’a affiché un mépris si flagrant aux conditions de lecture.
Il est reveillé, rappelons-le, depuis moins d’une heure, certes, mais pour la troisième fois de la journée. Sa gueule de bois n’a donc plus, ou moins, de raison d’être. Ce ne sont logiquement que les premiers symptômes de sa nature, ou du moins leur connaissance, qui aient pu le mettre dans cet état de “transe extra graphique”. Lorsque cela arrive, il sait. Il sait qu’il vient de basculer vers l’Outre-monde.
samedi 15 septembre 2007
Lex
« Il n’a jamais aimé se définir. » (1)
La fin de sa vie synthétise à elle seule ces quelques mots qui peuvent paraître simples mais qui associés les uns aux autres, composent une des personnalités les plus complexes que notre monde moderne ait eu à analyser. (2)
Alors comment la faisait-il ? La “Criminel attitude” qu’il exhibait reflétait-elle le fond de son esprit, ou tout ceci n’était-il pas un leurre pour jouer le jeu des médias, petit jeu de la communication dont tout le monde s’entend pour en dénoncer les travers. (3)
Si l’on se penche sur son cas, ainsi que ceux qui ont croisé sa route on sait que ce ne sont plus les affirmations qui l'ont construit, mais nombreuses divergences entre témoins et analystes. Quant au manque d’informations le concernant, les autorités voudraient se faire accuser de mensonge à très grande échelle qu'elles ne s'y seraient pas prises autrement.
Face à autant d’incertitudes il convient de ne pas laisser de place aux supputations qui justifieraient le jeu que certains médias n’ont jamais cessé d’arbitrer.
Car si l’on suit le fil de pensée acquis auprès des couches les plus représentatives de la société, on assiste impuissant à une liquéfaction des raisonnements construits sur le “Parce que”.
Plus personne de nos jours ne peut nier que l’ignorance EST connaissance. Comme l’écrit Fukusaki, “c’est le savoir digéré… et mal vomi. ”
Qui peut dire ce que représente le Lapin à la hache ? Qui peut affirmer que Lex voyait réellement les anges? Ne jouissait-il pas plus de sa mort que de sa vie ?
On le sait, si on affirme un point de vue différent qu'à la lumière des faits qui unissent l’information à ceux qui la reçoivent, alors cela n’est valable que si le dernier verrou qui sépare l’humain «pensant» de celui «absorbant» vole en éclats.
Alors que vole le verrou ! Cessons d'extrapoler et cherchons la vérité où elle se trouve : dans ses textes. (4)
1: Dixit Trudie, sa première compagne.
2- Parmi eux de nombreux analystes et théoriciens des “infos raisonnées” tel que Edo Fukuzaki ou encore Ted Hungton dont les ouvrages récents dénoncent les nouvelles facettes de “l’info reconstruite”.
3- le terme est un peu fort, mais il ne s’agit ici nullement de Lex en tant que personne qui est ici défini, mais tout ce qui, par son truchement permit au monde “normal” de découvrir l’obscur et le fantastique. Ceci est autant valable dans la représentation physique qui fut faite de nos craintes les plus inavouables, que les raisons qui les ont fait venir à la vie.
4- Fait rare : Il n’y eu aucune voie discordante parmi les experts graphologues. Sur les sept experts, aucun ne contredit l’authenticité des manuscrits.
Mieux: selon eux, les écrits découverts ne représenteraient que la face visible d’un “iceberg si gros qu’on ne pouvait pas ne pas le voir.” Fin de citation.
SYNOPSIS
Lex et Diane, amants fugitifs, arrivent dans un minable hôtel aux confluents de la Grande Ville. Ils ont rendez-vous. Contact : Le Doc.
Le Doc peut beaucoup pour eux paraît-il, même sauver Lex de cette gangrène inconnue qui le fait pourrir vivant. Mais pour soigner le mal, encore faut-il en connaître les symptômes.
Alors Lex parle, du Lapin à la Hache- syndrome incarné de ses échecs, de sa bagarre avec la psychotique Elno, policier numéro Un, de Julius, le chérubin violent qui lui fait rencontrer Diane à grands coups d'énigmes et de machine-gun…
Diane ?
L'évadée du Centre ? Tout le monde en parle ! Parait-il qu'elle peut détruire la Grande Ville à elle-seule. Mouais… Pour l'heure, elle ressemble plus à une jolie femme amnésique qu'à une criminelle.
Bon, c'est pas tout ça, mais le temps presse.
La police dirigée par le très rancunier Elno n'est plus très loin.
Et L'assaut contre l'hôtel est imminent.
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