vendredi 19 octobre 2007
Saint Buk : « C'était elle… C'était E..V.E.»
«Lʼimportance que lʼon accorde aux gens nʼest quʼun leurre. Avant, moi, jʼétais rien. Mais rien du tout. Enfin... je veux dire pour les autres, tous qui maintenant me demandent de raconter le truc, tu vois ? Le truc… cʼest pour ça quʼils viennent me voir.
Je ne suis pas dupe de tout ça. De toute façon, je ne croyais pas en lʼhomme avant. Les brimades, les insultes, le mépris et les raclées, je connais ça. Pas eux.
Ce qui fait déjà de moi un homme blessé, donc moins quʼun homme. Pas un homme prêt à mourir ; un homme déjà mort.
Lʼhomme est un con, et il crévera comme un con. Moi, je ne créverai plus comme un con, mais comme un apôtre. Ouais mec ! Cʼest ce que je suis depuis ce soir là ! Je suis devenu un putain dʼapôtre au service dʼun Dieu qui va te faire fermer ta putain de gueule dʼhomme qui croit qui sait tout !
Jʼaimerai pas être à ta place le jour où tu vas crever. Le jour où tu vas devoir rendre des comptes, le jour où tu vas comprendre que ta fin, et bien, nʼest quʼun début.Ce jour-là, tu vas dérouiller mec, toi et les millions d'autres qui n'avaient rien compris dʼautre que ce quʼil fallait pas comprendre.
Tiens, sers toit un verre. À ta mort ! Je plaisante hein, mais là je peux. Et ouais mec, moi je mʼen fous, je suis sauvé maintenant. Cʼest le Père Kovacs qui me lʼa dit. Bon, tu te le sers ce verre ?
On a le temps, on a du vin, alors finis ton verre, sers-en deux autres, et prépare tes putains de mirettes à se remplir dʼautre chose que de la merde, ça te changera.
C'étais un soir, dans le quartier de lʼAuberge Rouge. Jʼavais mon appareil photo, un peu dʼargent et la soirée devant moi. Au début, je voulais photographier des putes, jʼavais un contact dans un journal un peu… un peu radin sur les prix mais bon. Donc, j'allais faire des clichés de putes et de stripteaseuses.
Puis jʼai eu une envie de pisser. Je suis sorti dans lʼarrière cours du Pub et commencé à me vider contre une voiture, comme les chiens. Quʼest ce que tu veux, il y a des soirs, je me sens plus animal quʼun homme. Alors je me comporte comme tel, je fais honneur à ma condition passagère. Bien mʼen a pris.
Ma pisse a été révélatrice. Ma pisse a été un salut.
Sur ma droite, lʼavenue était déserte, et sur ma gauche, lʼobscurité avait emprise sur lʼ impasse.
Je pisse donc, sur une voiture, puis jʼentends des miaulements enragés. Jʼen entends un, puis un autre, un troisième, et ainsi de suite… Des chats ! Des putains de chats !
Quʼest-ce quʼils foutaient là ? Pourquoi ils gueulaient comme ça ces cons de chats ?
Je me rembraille, me dirige vers eux, m'engouffre dans la ruelle, face à lʼimpasse, entre les poubelles et les murs qui suintent
Ils partent dans tous les sens, paniqués.
Et là, jʼai compris pourquoi ils gueulaient tant. Cʼétait parce quʼils ne pouvaient pas gueuler plus fort.
Lʼobscurité mʼa pris sous son aile, puis à lʼoreille mʼa demandé dʼapprocher. Jʼy ai distingué une forme. Jʼimaginais un clochard, une bestiole quelconque… cʼétait pas un clochard, cʼétait pas quelconque.
Cʼétait elle, cʼétait E.V.E.
Tʼas vu les photos ? Imagine sous tes yeux… Du sang, des tentacules à nʼen plus finir, du mucus, et cette souffrance sur son visage. Seigneur…
Lorsque tu la vois, ce nʼest plus une chose, cʼest un signe.
Tiens, ressers moi un verre.
Jʼai senti lʼodeur de la mort comme un parfum… Merci.
Le moindre de mes pas aspirait mon être, comme un fluide sucé par une divinité bienveillante.
Jʼen ai pleuré, et dans mes larmes coulait le peu de moi qui restait. Je suis tombé à genou, lʼai admiré, et vu la beauté de la souffrance.
Commet peut on endurer autant de douleur ?
Dès lors je me suis tu, et fait parler lʼappareil. Et ouais mec, jʼétais là pour ça !
Sa poitrine oculaire regardait le présent devenu néant, et moi, je voyais lʼavenir. »
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